Le Caucase expliqué à une blonde

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Bon, on n’est pas là que pour rigoler et tenter de voir des moutons se faire égorger. La Géorgie, ses montagnes, ses rites païens et ses buveurs de tcha-tcha, c’est bien joli.

Mais il ne faudrait pas oublier qu’il y a un an, ce pays était en guerre contre la Russie. L’enjeu : l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, deux provinces séparatistes soutenues par Moscou. Déclenché dans la nuit du 7 août, le conflit a duré près d’une semaine. Le 12 août, un accord de cessez-le-feu encadré par l’Union européenne était accepté par les deux parties. Un plan en six points stipulant notamment le retrait des troupes russes sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités. Or les Russes sont toujours présents en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Et la Géorgie est de fait un territoire occupé. Une situation qui porte en elle les germes d’un nouveau conflit.

Le risque n’est en tout cas pas à exclure, selon Thornike Gordadze, chercheur et directeur de l’Observatoire du Caucase qui a eu la gentillesse de nous accorder un peu de son temps avant de s’envoler pour Bakou.

Une nouvelle guerre entre la Russie et la Géorgie est-elle susceptible d’éclater ?

Cette éventualité ne doit pas être totalement écartée. Lors de la guerre d’août 2008, les Russes n’ont pas atteint leur objectif, à savoir le démembrement de la Géorgie afin de faire échouer les projets énergétiques comme le gazoduc Nabucco ou BTC (Baku-Tbilissi-Ceyhan). Au contraire, le projet Nabucco vient d’être signé.

Outre cet enjeu géostratégique, la Géorgie représente également un enjeu symbolique pour Moscou. Depuis une dizaine d’années, en gros depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, la Russie cherche à restaurer son empire territorial, avec sa zone d’influence. C’est une volonté clairement affichée. C’est aussi pour cette raison que je pense que les Russes peuvent tenter une aventure comparable à celle d’août 2008, dans un avenir plus ou moins proche, si les circonstances sont favorables.

Les autres pays du Caucase du Sud – Arménie et Azerbaïdjan – sont-ils eux aussi menacés par les visées impérialistes russes ?

Dans le Caucase, la Géorgie fait toujours office de ballon d’essai pour les Russes. L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont donc observé avec beaucoup d’intérêt le conflit russo-géorgien. Particulièrement l’Azerbaïdjan qui craignait d’être le prochain sur la liste. Pour autant, s’ils n’ont pas condamné ouvertement l’attaque russe, ces deux pays ont continué à approvisionner la Géorgie et n’ont pas reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie (seuls la Russie et le Nicaragua l’ont fait).

Finalement, au terme de cette offensive, les Russes n’ont pas gagné grand chose dans la région, si ce n’est effrayer tout le monde. Cette année, Mikheil Saakachvili a même reçu la plus haute distinction arménienne accordée à un chef d’Etat étranger. On peut y voir un signal fort envoyé aux Russes : nous ne sommes pas prêts à vous soutenir. On ne peut parler d’une solidarité entre les Etats du Caucase du Sud face à la Russie qui serait comparable à celle des Etats baltes par exemple. En revanche, tous ont compris qu’une nouvelle guerre russo-géorgienne ne serait dans l’intérêt de personne.

Pour l’heure, la Russie semble avoir plus à faire avec le Caucase du Nord. Début juin, le président ingouche mis en place par les Russes, Iounous-Bek Evroukov, a été la cible d’un attentat à la voiture piégée et la situation est toujours très instable en Tchétchénie…

Après être passé par une phase de répression totale, notamment en Tchétchénie, Moscou a adopté une politique plus pragmatique en optant pour la cooptation des élites locales. Ainsi, le président tchétchéne Ramzan Kadyrov fait office d’auxiliaire colonial de la Russie dans le Caucase. Mais cette alliance est fragile et peut être rompue à tout moment. Les relations entre les militaires russes et Kadyrov sont extrêmement tendues. Si Poutine lâche Kadyrov, ce dernier peut se retourner contre la Russie et en cas de conflit, il aura une armée tchétchène fidèle derrière lui. Rien ne garantit une victoire russe.

En Ingouchie, les Russes n’ont pas trouvé d’équivalent à Kadyrov et il n’existe pas de clans ingouches pro-russes comme il s’en trouve en Tchétchénie. Enfin, le Daguestan est miné par des conflits inter-ethniques (il y a plus de 30 ethnies dans ce pays) et par des rivalités entre des groupes islamistes et des réseaux mafieux.

Les Russes se trouvent donc face à une situation explosive qu’ils contrôlent peu. Jusqu’à présent, ils ont acheté la loyauté des dirigeants des pays du Caucase Nord, mais avec la crise économique, ils risquent de ne plus pouvoir le faire. L’instabilité pourrait donc dégénérer et s’étendre à toute la région.

4 Réponses

  1. Mes racines de brune sont déjà en train de repoindre.
    Merci et joyeux სოციალური კეთილდღეობა !

  2. Je ne suis pas -encore- blonde, mais merci mon Guigui, grâce à toi j’ai enfin compris la situation géopolitique du coin.
    Et félicitations à l’autre Guigui pour les photos.

  3. Si le contenu se veut pédagogique, pourquoi utiliser la veine procatrice et violence gratuite de « …expliqué à une blonde »?

    • Pourquoi? Ben parce que je suis blonde, tiens!

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